SDF et droit opposable au logement : une manoeuvre électorale

Publié le par François

SDF et Droit opposable au logement : une manœuvre électorale

  

Le sujet est d’actualité. Plusieurs millions de français sont mal logés, dans les villes et les banlieue, mais aussi et on l’oublie trop souvent en zone rurale. La situation ne date pas des premiers jours de 2007,  quand soudain, des caméras de télévision comme des personnalités de tous horizons arpentent les berges du canal St Martin entourés de Don Quichotte créant ainsi une extrême confusion et des amalgames entre des problèmes différents :

·        La situation terrible des SDF d’une part,

·        l’incapacité d’un grand pays européen à loger dignement sa population d’autre part.

  

La situation terrible des SDF 

Régulièrement, la France s’aperçoit de la présence de SDF.  Cette année, l’association des enfants de Don Quichotte nous a alerté. Mais le débat qui s’est engagé en France est confus. Répondre par un droit opposable au logement aux problèmes de précarités et de pauvreté de personnes qui sont à la rue est une erreur d’analyse. Le problème du logement pour les SDF (et le problème du nombre de places d’accueil pour ces personnes) est certes important, mais il n’est pas le seul. 

 

Le fond du problème porte sur le traitement de ce phénomène qui s’amplifie chaque année en raison de l’aggravation de la précarité de l’emploi et de la pauvreté dans notre pays. Les associations font leur possible (SAMU Social, Secours Catholique, Fondation Abbé Pierre, …), mais leur travail n’est qu’une action d’urgence, pour aider, héberger quelques jours, offrir un repas chaud à tous. Ces action sont utiles et honorables, bien loin de comportements indignes de certains mouvements qui offrent aux SDF de la soupe au porc pour ne pas la servir à ceux qui ne peuvent en manger en raison d’appartenances religieuses. 

 

Mais pour améliorer la situation actuelle, il faudrait outre ce traitement d’urgence indispensable, un traitement social de suivi et d’accompagnement, comme cela est entrepris dans d’autres pays européens. Nous avons en France des professionnels du monde social extrêmement compétents pour réinsérer ces personnes, les accompagner pour retrouver une dignité, un emploi, une place dans la société.

Le travail a accomplir est considérable. Mais ne nous trompons pas. Ce n’est pas le droit au logement opposable qui résoudra la situation des SDF. 

 

L’incapacité à loger dignement la population française

En octobre 2002, le 8ieme rapport du « Haut comité pour le logement et les personnes défavorisés » (cf http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/024000619/0000.pdf) était déjà consacré intégralement au Droit au Logement Opposable. Ce comité (présidé par X. Emmanuelli et dans lequel Guy Janvier intervient en tant que conseiller général des Hauts de Seine) soulignait déjà l’ampleur du mal logement qui touchait alors 3 millions de personnes qui subissent différents inconforts (structure du logement (WC a l’extérieur, douche, baignoire), surpeuplement des logements, situation précaire (hôtel, meublé, hébergement par des proches)).

  

 

Le phénomène n’est donc pas nouveau. Ses causes sont identifiées :

  • Une croissance régulière de la demande de logement par l’augmentation du nombre de personnes vivant seules (environ 255 000 ménages par an)

 

  • Un niveau de construction HLM insuffisant (42 827 en 1999, 56 000 en 2001, 90 000 en 2006). Il en faudrait 120 000 par an sur plusieurs années. Le taux de HLM dans le parc de logement reste constant (15%)

 

  • La mauvaise répartition du parc HLM.
    La loi SRU proposée et adoptée par le gouvernement Jospin impose 20% de logements sociaux sur chaque commune de manière à assurer une mixité sociale et donc la cohésion de la société. Au début 2006, des députés de droite ont proposé des amendements pour assouplir la loi. Il faut croire que cette loi les gêne. En effet, rien que dans les Hauts de Seine, la moitié des communes ne respectent pas la loi SRU. Toutes les communes en cause sont dirigées par des membres de parti de droite. Pourra-t-on faire confiance à ses municipalités pour assurer la mise en œuvre et le respect du droit au logement opposable ?

  •  Le manque de terrain pour construire du logement social est criant dans certaines zones, comme les grandes agglomérations. En Ile de France, le « Haut comité pour le logement et les personnes défavorisés » préconise la création  d’une agence foncière au niveau régional. Nicolas Sarkozy souhaitait son agence foncière au niveau départemental. Est-ce bien raisonnable ?

 

La charte sociale du conseil de l’Europe a été révisé dans son article 31 :

« En vue d'assurer l'exercice effectif du droit au logement, les parties s'engagent à prendre des mesures destinées :

1. à favoriser l'accès au logement d'un niveau suffisant ;

2. à prévenir et à réduire l'état de sans-abri en vue de son élimination progressive ;

3. à rendre le coût du logement accessible aux personnes qui ne disposent pas de ressources suffisantes. »  

 

1 – Favoriser l’accès au logement

Tout le monde est d’accord. Il faut construire 120 000 logements HLM par an. Mais il est également indispensable de durcir la loi SRU pour qu’elle soit réellement appliquée.

Il également nécessaire de favoriser la réhabilitation de logements privés et l’entretien de ceux qui ne sont pas trop dégradés afin de garder ou remettre des logements sur le marché pour limiter la spéculation. Rien qu’à Vanves 4% à 23% des logements nécessitent des travaux de rénovation ou de réhabilitation plus ou moins importants. Ce taux est conséquent. Des aides existent pour les bailleurs. Elles sont non négligeables (jusqu’à 40% du coût des travaux) et obligent que les loyers soient modérés (12€28 le m2). Il faut donc encourager les bailleurs à améliorer l’habitat, uniquement si les aides sont contrôlées et soumises à des modérations de loyers permettant d’assagir  un tout petit peu le marché locatif immobilier.

 

2 – Prévenir et réduire l’état des sans-abri

La situation des sans-abris n’est pas uniquement une problématique de logement. Mais la question du logement de ces personnes se posent. Les associations investissent des logements vacants, montrant la situation choquante du marché de l’immobilier. D. De Villepin n’est pas favorable à la réquisition de logements comme il l’a encore déclaré dimanche 7 janvier 2007 sur Canal +. Pourtant, une ordonnance de 45 le permet. De nombreuses associations en demandent son application. Pourquoi les pouvoirs publics n’usent-ils pas de cet instrument législatif.

 

3 – Rendre le coût du logement accessible

Le coût du logement représente une part importante des revenus des ménages, surtout bien sûr les plus défavorisés.  Aujourd’hui, deux tiers des logements sociaux sont occupés par des ménages dont les revenus excèdent 2 SMIC. Or cet habitat devrait accueillir plus de ménages dont les revenus sont entre 1 et 2 SMIC afin de les héberger  dans des conditions convenables à un coût accessible.

Des aides existent (par exemple l’APL revalorisée cette année de 2,4%) . Mais si on souhaite libérer des logements sociaux pour la classe moyenne (entre 1 et 2 SMIC), il faut aider le passage dans le logement locatif privé des locataires de HLM dont leurs revenus le permettent. Un des freins porte sur la garantie des impayés et le versement de cautions.

Il est donc vraiment temps de s’atteler à la mise en place d’une CLU (Couverture Logement Universelle) comme le gouvernement Jospin a su le faire à juste titre pour la couverture maladie afin d’accompagner ceux qui en ont le plus besoin pour conserver, disposer et changer de logement.

Cela permettra de gérer convenablement les périodes difficiles de ceux qui sont soumis à la précarité de l’emploi, la variation de leur revenus et l’impossibilité d’apporter des garanties parfois excessives. Cela permettra surtout d’éviter que ces personnes fragilisés tombent dans une situation où ils perdent leur logement et deviennent des sans-abri. Définir la CLU est une tâche difficile. Mais cela est aujourd’hui indispensable.

 

La loi sur le droit opposable au logement que porte le gouvernement de D de Villepin ressemble fortement à une manœuvre électorale pilotée d’un « château » très convoité. Je ne dénoncerai pas içi la précipitation à inscrire une telle loi dans un agenda parlementaire chargé ; je m’interroge plutôt sur la raison qui justifie d’avoir attendu si longtemps, alors que ces actions devraient avoir un effet positif  dans la réduction de la fracture sociale : grande promesse électorale que le président de la république n’a jamais tenue.

Le droit au logement est déjà inscrite dans la loi. Son application est difficile, reconnaissons le tous. Rendre ce droit opposable est une nécessité. Mais cela s’anticipe et se prépare, sinon, l’échec sera au rendez-vous et impactera les plus fragilisés d’entre nous.

Publié dans Actualités nationales

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